Le président de la République de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, exige de voir revenir s'installer à Grozny, d'ici deux semaines, toutes les organisations non gouvernementales (ONG) qui opèrent depuis l'extérieur du pays. Son appel, vendredi 3 août, a suscité une vive réaction parmi les quinze ONG qui continuent à agir depuis les républiques voisines - l'Ossétie du Nord, l'Ingouchie, et la Kabardino-Balkarie -, jugées plus sûres.
A la tête de l'ONG russe Comité d'assistance civique, Svetlana Gannouchkina estime que cette exigence n'est pas légale : elle ne voit pas d'impératif à déménager le siège des organisations à Grozny, d'autant que "sur une trentaine d'organisations humanitaires russes et étrangères, la majorité a déjà ouvert depuis longtemps un bureau à Grozny, parce qu'il est effectivement plus commode de travailler ainsi".
Les ONG craignent de voir le contrôle sur leurs comptes et leurs activités - déjà surveillés par le pouvoir fédéral - s'accroître. Elles ont à l'esprit l'exemple de l'ONG Conseil danois pour les réfugiés, active depuis 1998 dans le soutien aux victimes du conflit en Tchétchénie, qui avait été "muselée" en février 2006 sur injonction de celui qui était alors le premier ministre tchétchène par intérim, Ramzan Kadyrov, outré par la publication des caricatures du prophète Mahomet au Danemark.
"Nous ne dictons de conditions à personnes (...). Mais si les organisations se sont fixé pour but d'aider la République tchétchène et son peuple à sortir rapidement d'une situation économique qui n'est pas simple, alors nous devons travailler main dans la main", a expliqué le numéro un tchétchène, voulant sans doute dédramatiser la situation et montrer que les ONG peuvent désormais travailler sans danger.
"UN SUBTERFUGE"
Les ONG opérant à partir des républiques voisines sommées de s'installer à Grozny"
Il s'agit d'une ingérence ouverte des autorités dans les activités des ONG, a déclaré Rouslan Badalov, directeur de l'organisation de défense des droits de l'homme Comité tchétchène du salut national. Le fait d'affirmer que le transfert des bureaux en Tchétchénie fera augmenter les prélèvements fiscaux versés au budget local et permettra de régler le problème du chômage n'est qu'un subterfuge."
Les organisations s'étaient déjà montrées réticentes devant une autre initiative de Ramzan Kadyrov. Le 1er mars, dans l'optique de montrer que la petite république du Caucase se stabilisait, il avait organisé une grande conférence des défenseurs des droits de l'homme à Grozny. Celle-ci avait été largement boycottée.
Madeleine Vatel
Le monde
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Des gardes postés devant l'entrée du fan club du président tchétchène, en avril 2007.